Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire – Jonas Jonasson

Encore une couverture saugrenue XDAprès le tristement décevant Demain j’arrête!, j’avais bien besoin de lire autre chose pour me changer les idées.  Fort heureusement, il n’était que le premier de ma petite pile de quatre livres à lire, et le suivant est donc un roman au titre interminable, plus long que Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates, je sens venir le titre sur deux ou trois lignes quand je finirai et publierai cet article.

Sans transition, passons au synopsis de cette histoire.

Franchement, qui a envie de fêter son centième anniversaire dans une maison de retraite en compagnie de vieux séniles, de l’adjoint au maire et de la presse locale ?

Allan Karlsson, chaussé de ses plus belles charentaises, a donc décidé de prendre la tangente. Et, une chose en entraînant une autre, notre fringant centenaire se retrouve à trimballer une valise contenant 50 millions de couronnes dérobée – presque par inadvertance – à un membre de gang. S’engage une cavale arthritique qui le conduira à un vieux kleptomane, un vendeur de saucisses sur-diplômé et une éléphante prénommée Sonja…

Contrairement au précédent, j’ai tout de suite adhéré à ce roman, dès les premières lignes. Peut être parce qu’on saute tout de suite au vif de l’action, avec ce vieux bonhomme qui entreprend d’enjamber le rebord de sa fenêtre et de partir clopin-clopant vers un ailleurs plus intéressant qu’une maison de retraite. Peut-être parce que l’histoire ne se prend pas au sérieux et qu’on réalise tout de suite qu’on part pour 500 pages d’une aventure totalement invraisemblable.

Le roman entremêle deux récits bien distincts. Le premier commence alors que notre centenaire fuit la maison de retraite pour aller vagabonder où ses charentaises le porteront, l’amenant à croiser le chemin d’un gangster à qui il « empruntera » sa valise, s’avérant pleine de billets, et entrainant une chasse à l’homme rocambolesque. Ce qui au départ n’est que la fugue d’un petit vieux aux yeux des administrations, devient une affaire de plus en plus extravagante au fil des témoignages obtenus pendant l’enquête, Allan Karlsson ayant le chic pour rencontrer des gens incongrus, susciter des hasards improbables et se dépatouiller de toute situation sans trop se forcer. Pour un centenaire, c’est plutôt impressionnant.

L’autre récit commence, lui, à sa naissance, en 1905. Et nous fera découvrir les cent années de la vie particulièrement remarquable d’Allan Karlsson, artificier de son métier, apolitique convaincu qui se retrouva confronté à tous les moments de sa vie à des influences politiques ne cessant de l’ennuyer alors qu’il n’en avait rien à faire, se retrouvant d’un côté puis de l’autre des lignes de conflit, rencontrant voire se liant d’amitié avec les grands de ce monde (dictateurs et présidents en particulier), partageant sa science des explosifs jusqu’aux extrêmes. On parcours à ses côtés l’Histoire avec un grand H alors qu’il traverse le monde dans tous les sens, balloté par des gens aux convictions qui le dépassent, laissant sa trace sans même le savoir et, d’ailleurs, sans même s’en soucier.

Deux histoires côte à côte et un auteur facétieux qui aime à nous faire languir en nous faisant constamment passer de l’un à l’autre, renouvelant ainsi régulièrement l’intérêt pour les deux intrigues dans la mesure où on se sent à chaque fois vaguement frustré de devoir attendre encore un peu pour connaitre la suite… tout en ayant notre curiosité enfin satisfaite pour l’intrigue revenant au premier plan.

J’aime beaucoup le côté très pragmatique et tranquille du personnage principal, malgré sa centaine d’années bien sonnées. Et de même, j’aime bien ses interactions avec le reste des personnages du roman. Je parlais dans ma critique de Demain j’arrête ! d’un côté frais que j’aurais tendance à apprécier en temps normal mais que je n’avais pas trouvé dans ledit roman. C’est ici que je l’ai retrouvée, en dépit du fait qu’on ne s’y attendrait pas de la part d’un personnage aussi âgé. Bon, pour être plus exacte, ce qui m’a séduite, c’est le côté très malaussénien de l’histoire (Malaussène étant un personnage d’une série de romans de Daniel Pennac dont je suis très friande), c’est à dire un récit quelque peu détaché, assez ironique et bourré d’humour, avec un phrasé délectable (bon, dans la mesure où c’est un roman suédois, j’imagine qu’on y perd à la traduction, mais ça reste vraiment agréable). La vie d’Allan est parsemée d’évènements plus ou moins incongrus, de coups de chance ou de malchance qu’il prend avec sérénité, sans se prendre la tête. Il n’est ni foncièrement gentil, ni foncièrement méchant, il est plutôt du genre à ne pas comprendre pourquoi les gens font tout un tas de simagrées pour rien. Certains l’ont comparé à un Forest Gump suédois, et pour le peu que je me rappelle de ce film, je trouve cette comparaison très juste (à ceci près qu’Allan est loin d’être idiot, même s’il est un homme aux préoccupations simples).

Pas de tristesse dans ce roman. Beaucoup de sourires, voire de rires, et malgré toutes les avanies décrites, on ne trouve jamais le temps de compatir ou de s’attrister, l’histoire nous emporte ailleurs pour notre plus grand plaisir (en tout cas pour le mien), et ce jusqu’à la fin, on n’aura jamais le temps de s’ennuyer. Et personnellement, j’aime beaucoup. Ce n’est pas qu’Allan soit particulièrement optimiste, en plus, c’est simplement qu’il s’accommode de tout, et bénéficie d’une chance remarquable tant qu’à faire.

Les autres personnages du roman sont tous hauts en couleurs, j’ai parlé de fraîcheur plus haut, je dois avouer que j’ai un certain attachement à ces histoires où les gens semblent un peu sortir d’un univers caricatural et rocambolesque où tout finit pour le mieux. Certes, c’est utopique et naïf, mais c’est tellement agréable, quand on est du genre à broyer du noir ! Et également, j’aime les histoires un peu tarabiscotées, d’où d’ailleurs mon appréciation des œuvres de Pratchett ou de Douglas Adams (H2G2, complètement téléphoné, mais tellement bon). Ici, nous avons donc un vieux filou adepte de la débrouille, un vendeur de saucisses quasi-sur-diplômé, une femme qui jure comme un charretier, une éléphante, un inspecteur de police blasé, un procureur opportuniste, des brigands empotés, et c’est sans mentionner tous les personnages, historiques ou non, dont Allan a croisé la route au cours de sa longue existence. Le tout se lie d’amitié, ou s’entretue, dans une ambiance bon enfant où même les plus détestables des personnages trouvent le moyen de nous faire rire.

Seule petite note discordante, les personnages d’Amanda et Herbert m’ont un chouia fait grimacer, mais ce n’était qu’un faible désagrément en regard à tout le plaisir que j’ai pris à lire.

Mention spéciale au final qui m’a prise par surprise (pas du tout tel que je me l’imaginais) et qui me laisse une impression de finition très satisfaisante. J’ai trouvé que la fin était tout à fait adaptée, du genre qui vous fait fermer votre livre avec un sourire et la sensation d’avoir participé à une aventure rondement menée de bout en bout.

Bref, un roman que j’ai adoré et qui se laisse agréablement lire. Je vous le conseille !

4 avis sur “Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire – Jonas Jonasson

  1. Mais… Tu as tout dit et tellement bien! Alors que puis-je ajouter de plus si ce n’est que je suis contente que tu aies apprécié. C’est rigolo, moi aussi j’avais pensé du Daniel Pennac. A ce sujet, « au bonheur de ogres » vient d’être adapté au cinéma. Je me demande comment ça va être.
    Je viens de lire un autre livre de Legardinier, « Complètement cramé », j’ai adoré et encore ri comme une gamine. Cette fois , c’est un éminent chef d’entreprise anglais (ça a son importance) qui craque et décide sur un coup de tête de tout lâcher pour devenir, incognito, majordome au fin fond de la campagne Française chez une bourgeoise sur le retour. C’est « succulent » de drôlerie à mon goût, avec encore tout un tas de personnages plus sympathiques les uns que les autres.
    En tout cas, ça change de Céline!!!

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