L’homme aux cercles bleus – Fred Vargas

Fred Vargas - L'homme aux cercles bleus

Ça faisait longtemps qu’on me parlait de Fred Vargas, mais à part ça, je ne savais rien de précis à son sujet et je reconnais ne m’être jamais vraiment intéressée au sujet. Et puis un beau jour, ma petite sœur m’a dit avoir lu un roman dudit auteur et l’avoir beaucoup aimé. Dans la mesure où je me désespère régulièrement qu’elle n’ait pas connu le même âge d’or de la lecture que moi — vous savez, cette période de l’adolescence où on a le temps de lire 5 romans par semaine, et que certains naïfs gâchent à s’amuser, sortir, voire avoir des amis — l’information avait de quoi attirer mon attention. De ce fait, j’ai commencé à envisager de lire un roman de ce fameux Fred Vargas. D’abord, j’ai entrepris de me renseigner sur le quidam, pour apprendre que “Fred” est une écrivaine, et non un écrivain. Ce qui est un détail, mais mon emploi du masculin aura probablement fait tiquer tout amateur de Vargas lisant cet — interminable — paragraphe d’introduction. En fin de compte, j’ai décidé d’affronter le premier roman consacré à l’inspecteur Adamsberg, à savoir L’homme aux cercles bleus. Et maintenant, place au quatrième de couverture.

« Victor, mauvais sort, que fais-tu dehors ? « 

Depuis quatre mois, cette phrase accompagne des cercles bleus qui surgissent la nuit, tracés à la craie sur les trottoirs de Paris.

Au centre de ces cercles, prisonniers, un débris, un déchet, un objet perdu: trombone, bougie, pince à épiler, patte de pigeon… Le phénomène fait les délices des journalistes et de quelques psychiatres qui théorisent un maniaque, un joueur.

Le commissaire Adamsberg, lui, ne rit pas. Ces cercles et leur contenu hétéroclite sont de, mauvais augure. Il le sait, il le sent: bientôt, de l’anodin saugrenu on passera au tragique. Il n’a pas tort.

Un matin, c’est le cadavre d’une femme égorgée que l’on trouve au milieu d’un de ces cercles bleus.

Vous savez, je n’aime pas beaucoup les romans policiers, mais ça ne m’empêche pas de faire une exception quand ceux-ci ont une petite touche qui m’attire. Une touche de fantastique, par exemple. Ou bien de dérision. Un petit quelque chose qui fait que je m’intéresse à ce qui se passe, que je ne me sentirai pas frustrée en lisant. Du coup, même si j’affrontais cette nouvelle lecture avec circonspection, j’y allais avec un minimum de confiance.

Après le premier chapitre, ma première réaction a été : “la vache, qu’est ce que c’est perché !”. Ce n’est pas un défaut, mais ce n’est pas une qualité non plus. Il faut savoir le doser, le perché. Mais je reconnais avoir quelques affinités avec ce genre de style. Ça m’a fait penser aux Malaussèneries de Pennac, ou aux romans de Marc Levy. En somme, les personnages sont tous dotés d’une personnalité particulièrement spéciale et les dialogues n’ont rien de réaliste dans un contexte normal. On part dans les réflexions existentielles, les longs discours évaporés, les réflexions qui sortent de nulle part. Les relations entre personnages semblent tirées par les cheveux, mais elles fonctionnent par on ne sait quel miracle. Vraiment, c’est le mot : c’est perché.

Le personnage du commissaire Adamsberg illustre bien mon ressenti. On dirait qu’il marche en permanence dans un rêve éveillé, les pensées virevoltant de ci, de là, et ses conversations sautant d’un sujet à l’autre sans réel fil rouge pour les relier. Je le trouve attachant, pour être honnête. Quelque part, je me sens plus proche de cet étrange individu à la personnalité flottante que d’un homme plus carré, plus strict, plus “méritant”. Il ne fait rien comme tout le monde. Il griffonne en permanence quand on lui parle, il part se balader – errer – quand on préférerait qu’il mène son enquête un peu plus sérieusement. Qu’est-ce que c’est que cet olibrius ? Tout son talent semble reposer sur son intuition, et sans doute sur son sens de l’observation, même s’il n’a jamais vraiment l’air de l’être, observateur. On est très surpris quand il sort de cette sorte de “torpeur” pour faire son boulot de commissaire : donner des instructions, interroger un suspect, voire s’énerver après ses subalternes. Un mauvais commissaire – quoique efficace apparemment – mais un personnage étrangement fascinant.

Et les autres personnages ne sont pas en reste, même s’ils sont plus bas sur l’échelle du saugrenu. Beaucoup jugent Adamsberg bizarre, indéfinissable, mais ils ont eux aussi leur lot de bizarreries. L’adjoint Danglars, d’abord, qui compense le flou d’Adamsberg en se montrant plus ferme et plus cartésien, plus porté sur la logique que sur l’incertaine intuition qui pourrait leur jouer des tours, qui raconte ses enquêtes à ses cinq enfants – dont deux paires de jumeaux – et qui picole au travail. La lointaine Camille, personnage souvent évoqué, jamais vu (ou presque), amour perdu d’Adamsberg depuis dix ans. L’océanographe Mathilde, dont la marotte est de suivre les gens – mais apparemment personne dans ce roman ne lui demande jamais ni pourquoi, ni d’arrêter – quand elle n’est pas sous la mer à traquer les poissons, et qui se montre abruptement franche avec quiconque croise son chemin. Charles Reyer, L’aveugle beau – selon Mathilde – qui passe son temps à être cynique et sarcastique. Moi, j’appelle ça des “personnages à la Amélie Poulain”. On a l’impression qu’ils sont ordinaires, humains, mais finalement, qui diable a déjà rencontré des gens comme ça ? Ils sont singuliers, tous autant qu’ils sont, et c’est pour ça qu’on les aime bien.

Bon alors, et le mystère, et l’enquête, là dedans ? Le mystère de l’homme aux cercles ? Qui est le coupable ? Ai-je résisté à l’appel de la dernière page ? Honnêtement, j’ai trouvé la révélation finalement un peu invraisemblable, et en plus de ça Vargas arrive même à transformer un coup de théâtre en une scène aussi tranquille que tout ce qui représente Adamsberg. Pas de trépidante scène de course poursuite, pas de coupable qui hurle son innocence, pas de brusquerie. Pourtant, je n’ai pas trouvé que ça faisait un “flop”. C’était juste… bizarrement paisible. La calme révélation d’une histoire tout aussi calme malgré le couperet inquiétant des meurtres – quatre cadavres, quand même !

Alors, verdict de ma lecture ? J’ai bien aimé. C’était une expérience bizarre et, je le répète, vraiment perchée. Un fâcheux trouverait ce roman morne, invraisemblable, agaçant dans sa lenteur bonhomme. Moi je l’ai trouvé à la fois reposant et très intriguant. L’histoire a sû me donner envie d’en savoir plus, m’a entraînée dans l’état d’esprit si vague d’Adamsberg, sans me prendre au piège d’une intrigue trop tendue. A mon avis, c’est un bon livre pour se détendre et ne pas se prendre la tête, dans le même registre que du Marc Levy (quoique leurs styles respectifs n’aient rien à voir, hein, n’allez pas me faire dire ce que je n’ai pas dit). Maintenant, il va me falloir d’autres romans de Vargas pour me faire un avis bien tranché sur cet auteur, mais pour le moment, ça se présente bien, et c’est tant mieux.

2 avis sur “L’homme aux cercles bleus – Fred Vargas

  1. Super! Super! Encore une excellente fiche qui donne envie de lire le livre.
    Mais, je l’ai déjà lu et ce n’est pas mon préféré. Pour ma part, j’ai beaucoup aimé dans l’ordre: « Pars vite et reviens tard », « L’armée furieuse », « Dans les bois éternels »; les autres sont bien aussi…
    Je n’ai pas lu « Temps glaciaires », mais il m’a l’air apprécié par les lecteurs sur amaz.
    bisous

    • J’ai lu le tome suivant et le côté vaporeux y est moins marqué, sans doute Vargas a-t-elle affiné son style avec le temps ^^

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